Renoué
Renouée
Installation
Centre National d’Exposition, Jonquière, 2008
Les fleurs percent le béton. Où que nous nous trouvions, pour peu que nous nous détournions des écrans et autres miroirs, la nature vivante est toujours à portée de main. Après un exode vers les valeurs urbaines, après le questionnement qui marquait Se dénaturer/se re-naturer ; Renouée est l’expression du retour assumé de l’artiste, non sans ambiguïté, à ses véritables racines.
L’installation qui porte la réflexion est constituée de matières issues des trois règnes : minéral, végétal et animal. Des fragments d’éléments naturels, dans un enchevêtrement non linéaire, à la fois lié et délimité, font appel à tous les sens et créent un étonnant langage de juxtapositions polysémiques. L’insertion subtile de photographies grand format, représentant les mêmes matières que celles où elles sont intégrées, peut être vue comme une invitation paradoxale à délaisser l’image pour la réalité. Quatre grandes sculptures, deux au sol et deux suspendues, accompagnés de leurs ludiques essences totémiques, soutiennent le parcours proposé, avec une double sémantique de régénération et d’unicité par la diversité. Le grand Pan -le grand Tout- à l’entrée du parcours, veille sur le foisonnement du monde du haut de sa généreuse ambiguïté. Moment en équilibre sur son axe, Libration fragilise et régule la durée du monde. Entre amibe et animal, Ouverture, discrètement fondue dans la géologie rampante, y trame une indéfinissable sexualité. Écotone dénoue la linéarité parallèle des systèmes clos et renoue l’interpénétration du vivant.
Au cœur de l’installation, mais sémantiquement à l’abandon, vide, Écaillure : la chrysalide de passage de l’artiste.
Parsemé d’aires de repos, de bruits de feuilles froissées, le sentier de cet étonnant microcosme invite à la contemplation, à la découverte et à la méditation. Habillée de pieds de vent en coton à fromage, l’oeuvre habite le lieu comme une terre natale. Tandis que dans un cocon de brume, sur un écran paradoxal, une vidéo performance filmée en extérieur par Suzanne Joly, relate symboliquement, avec la confection d’Écaillure, le passage de l’artiste à travers l’écotone psychique de ses propres contradictions.
Gilles Matte
Chroniqueur d’art