Nathalie Levasseur
Artiste multidisciplinaire

Rites Transitoires

Installation In Situ, Résidence de création, Installation le grand territoire des Iles-de-la-Madeleine
AdMare, Cap-aux-Meules, Iles-de-la-Madeleine - 2006
    01 Rites Transitoire 1 Nathalie Levasseur InSitu
    02 Rites Transitoire 1 Nathalie Levasseur InSitu
    03 Rites Transitoire 2 Nathalie Levasseur InSitu
    04 Rites Transitoire 2 Nathalie Levasseur InSitu
    05 Rites Transitoire 3 Nathalie Levasseur InSitu
    06 Rites Transitoire 3 Nathalie Levasseur InSitu
    07 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    08 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    09 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    10 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    11 Rites Transitoire 5 Nathalie Levasseur InSitu
    12 Rites Transitoire 6 Nathalie Levasseur InSitu
    13 Rites Transitoire 7 Nathalie Levasseur InSitu
    14 Rites Transitoire 7, Nathalie Levasseur Ondes Sensibles InSitu
    15 Rites Transitoire 8, Nathalie Levasseur Ondes Sensibles InSitu
    16 Rites Transitoire 8, Nathalie Levasseur Ondes Sensibles InSitu
    01 Rites Transitoire 1 Nathalie Levasseur InSitu
    02 Rites Transitoire 1 Nathalie Levasseur InSitu
    03 Rites Transitoire 2 Nathalie Levasseur InSitu
    04 Rites Transitoire 2 Nathalie Levasseur InSitu
    05 Rites Transitoire 3 Nathalie Levasseur InSitu
    06 Rites Transitoire 3 Nathalie Levasseur InSitu
    07 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    08 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    09 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    10 Rites Transitoire 4 Nathalie Levasseur InSitu
    11 Rites Transitoire 5 Nathalie Levasseur InSitu
    12 Rites Transitoire 6 Nathalie Levasseur InSitu
    13 Rites Transitoire 7 Nathalie Levasseur InSitu
    14 Rites Transitoire 7, Nathalie Levasseur Ondes Sensibles InSitu
    15 Rites Transitoire 8, Nathalie Levasseur Ondes Sensibles InSitu
    16 Rites Transitoire 8, Nathalie Levasseur Ondes Sensibles InSitu

Quand les mémoires du corps rencontrent l’esprit du lieu  (extraits)
Catalogue « Rites transitoires, Nathalie Levasseur » AdMare éditeur (voir onglet publications)

(…)

Avec Rites transitoires, l’artiste propose huit installations éphémères qui expriment, à travers la symbolique des nombres, les mémoires des paysages insulaires et les méandres de territoires profondément personnels. Ces moments qui se traduisent dans l’espace, érigés à la manière de rituels, sont les fruits d’un échange évocateur, voire mystique, entre l’artiste et le territoire. Telle une nomade qui voyage d’un paysage à l’autre, Levasseur a ainsi habité les rives du golfe qui l’a accueillie dans ses antres de sable et d’eau salée. Entourée d’immensité et guidée par la mer, le vent et la présence palpable de la lune, elle s’est prêtée au jeu de l’instant, où le temps n’existe plus que dans l’immédiateté du corps et du regard. Chaque Rite, incluant des matériaux naturels puisés à même le lieu, évoque en ce sens une parcelle du vivant, à l’image d’une mise en abîme du paysage qui rend compte de l’immense et du plus grand que soi. Sous la gouverne des éléments, son expérience intime de la matière l’a amenée à penser le monde dans une quête d’équilibre et d’harmonie. Mais à cette sérénité et cette puissance de vie répond paradoxalement un sentiment de vulnérabilité sous-jacent. Une fois offertes à l’usure des vents et des marées, ses œuvres dévoilent en effet les traces de leur précarité : précarité des lieux physiques, bien sûr, sans cesse abîmés par les humains insouciants, mais aussi fragilité de l’être, de la vie elle-même. Friables et transitoires, ces marques dans le paysage se consument pour disparaître à nouveau dans l’immensité. Entre équilibre fragile et mémoires fugitives, ces interventions évoqueraient en somme une « parfaite étreinte de l’esprit et de la matière[i] ». Une telle cohésion animiste de l’artiste et du lieu s’affirme avec éloquence lorsque Nathalie Levasseur nous convie, en galerie, à l’achèvement de son appréhension sensible du territoire (voir Rite 8) : une série de fragments encore une fois puisés dans la mémoire insulaire locale vient clore et immortaliser l’éphémère. Là où le transitoire se greffe à l’infini.

Face au règne de l’urgence et de l’excès, de l’ivresse consumériste des passions et de la fuite continuelle devant un monde qui se plaît à détruire sans relâche ce qu’il édifie — qualifiant l’ère de l’« hypermoderne » selon Gilles Lipovetsky[ii] — la démarche de Nathalie Levasseur semble privilégier une vision plus près de l’être que du paraître, plus près du réel et du spirituel que de la réalité illusoire d’un monde qui porte le poids de l’incertitude identitaire. Sous des apparences fugitives, ses œuvres s’inscrivent néanmoins dans une volonté d’assurer une permanence et un sens de la continuité à travers une cohésion du passé et du présent, des traditions ancestrales et de la modernité. Si, enfin, « l’[être humain] n’est rien d’autre que l’extension de l’esprit du lieu[iii] », comme le prétend Lawrence Durrell, les écritures sensibles du paysage que proposent Rites transitoires semblent faire ressurgir symboliquement les forces nourricières de la Terre, celle-ci étant liée à de nombreux mythes qui lui confèrent la vocation d’insuffler la vie. De cette relation intime entre l’artiste et la Terre-Mère naît un parcours rituel qui est aussi un parcours de la féminité ; celui de la mère qui porte à la fois le monde et l’enfant à naître. Et c’est par cette expérience esthétique totale que les mémoires du corps – féminin –  feraient la rencontre de l’esprit du lieu.

Chloë Charce, historienne de l’art

 

[1] Gilles Matte ,  « Rites transitoires, Nathalie Levasseur » AdMare éditeur, 2009, p. 36.

[2] Gilles Lipovetsky, « Temps contre temps ou la société hypermoderne », Les temps hypermodernes, Paris, Bernard Grasset, 2004, p. 67-149.

[3] Lawrence Durrell cité par Raymond Montpetit, « Des territoires de choix », dans René Derouin, Pour une culture du territoire, Montréal, L’Hexagone, 2001, p. 13.

Crédits photographique : Catherine Jomphe, Gilles Matte, Jean-Yves Vigneau and Nathalie Levasseur.